2. L’Appel de la Forêt
An 900.
Le long des routes, du nord au sud, l’on pouvait voir en ce jour si spécial voir affluer des convois de caravanes immenses en provenance du continent tout entier. Plus de deux cents ans se sont écoulés depuis la chute de l’Empire Einhasadien. Le couronnement du nouvel Empereur de l’Empire Panthéonique aura bientôt lieu. Ce jour marque le début d’une nouvelle ère de paix et de réunification entre les peuples d’Elmore-Aden. Des délégations du monde entier sont attendues dans la titanesque Aden, bastion de puissance, symbole de gloire et de pouvoir de la race humaine.
Dans l’une de ces caravanes, on pouvait entendre chahuter :
- « Mais pousses-toi ! laisse moi y aller, allez Jad s’il-te-plaît... »
Dans un mouvement acrobatique rapide le jeune Elfe passe ses mains par la fenêtre pour les poser sur le toit du transport et s’extirpe de l’intérieur dans un mouvement de traction pour finir sur le dessus de l’engin.
- « Tu as raison Ysyl, c’est vraiment magnifique ! Ça valait le coup de monter ! » s’esclaffe Jadus.
- « Maman, regarde ce qu’il fait, il me cherche ! » s’indigne la jeune fille assise sur la banquette de velours.
Ysyl est la petite sœur de Jadus. A peine plus haute qu’une naine adulte, de grands yeux qui pétillent de l’innocence des enfants et des cheveux formant une grande tresse qui descend juqu’au bas de son dos, dans une teinte rosâtre. Contrairement a son aîné, la jeune eldar est animée par un caractère de feu. Rarement patiente, parfois inconsciente, mais maline et d’un grand cœur. Son large sourire et sa tête d’ange l’ont maintes fois aidée a se sortir du pétrin dans lequel elle aime tant s’engouffrer. Comme cette fois ou elle a réussie a se faufiler sous la table d’un banquet officiel au village, en espérant grignoter a volonté en passant incognito. C’était sans compter sur les convives qui entre deux éclats de rires voyait leur dessert subtilisé de leurs assiettes…
Quant à lui, Jadus a bien grandi. Du haut de ses 117 ans, il croque la vie sans en perdre une miette. Entre le temps passé à aider son père à la forge, sa mère qui l’initie à la cuisine et au chant, sans compter les nombreuses années passées a explorer la forêt et à s’entraîner au combat auprès des grands maîtres d’armes eldars qui lui enseignent à manier arcs, dagues et épées dans la plus pure tradition elfique, il manquerait presque de temps pour se reposer.
Profitant du balancement latéral régulier de la caravane pour s’allonger sur le toit et se laisser aller a rêver, regardant le ciel, il se perd en pensées. Il a tant entendu parler d’Aden la grande, la somptueuse, la ou tous les grands héros de ce monde peuvent se croiser au détour d’une ruelle. La ou les tapisseries luxueuses ornent l’intérieur une cathédrale dont la flèche admirable semble presque toucher les cieux. Les Elfes participent peu aux rassemblements politiques leurs étant étrangers. Mais le futur Empereur s’est déplacé en personne au village entourée de sa garde d’élite afin d’y rencontrer le roi Estelan, maintenant souffrant de vieillesse, pour y prononcer des vœux de respect et d’amitié, et inviter le peuple sylvain dans les contrées d’Aden à participer à son adoubement et au renouveau du monde. Les habitants de la forêt avaient donc fait l’honneur de se déplacer et quitter leur terre l’espace d’un temps pour participer a l’évènement historique.
Alors qu’il s’adonne à rêvasser, il fut surpris lorsque la caravane arrêta lentement son mouvement pour finir à l’arrêt. On entend alors le cocher taper à la petite fenêtre coulissante en bois juste derrière lui :
- « Nous sommes arrivés, Madame. » lançait le conducteur d’un ton solennel.
- « Très bien, les enfants préparez-vous à descendre, nous sommes arrivés à l’avant-poste et devons terminer le trajet jusqu’à la grande ville à pied ! » dit Myrin.
Excités au plus haut point, Jadus et Ysyl s’exécutent et se retrouvent en moins de secondes qu’il n’en faut pour le dire sur le côté de la caravane accompagnés de Zeno et Myrin. Les parents avaient reçu leur invitation de la part du roi Estelan, car les deux protagonistes travaillent directement pour les membres de la Maison Iris, Zeno en tant que forgeron officiel, et Myrin aux cuisines royales, en raison de leur excellentes compétences.
Une des nombreuses patrouilles de sentinelles en faction à l’avant-poste du Royaume s’approche alors de la caravane, d’un air sérieux :
- « Invitation, s’il-vous-plaît. » lançait le plus gradé des trois hommes, tendant le bras et espérant recevoir le papier. Zeno sort alors le carton d’une poche intérieure de sa tenue, et sur lequel est apposé le sceau royal d’Aden. En dessous du rond de cire on peut voir une signature manuscrite ; celle du roi de la cité et futur Empereur, Elson le Bien-Aimé.
Ayant obtenu le laisser-passer des gardes, la famille suit maintenant le long cortège de visiteurs venus du monde entier. Jadus s’est apprêté d’un élégant costume pour l’occasion, un long habit de soie blanc brodé de fils d’or dans des motifs elfiques. Ysyl porte une longue robe bleue garnie de perles qui reflétaient le soleil a chaque pas. Les parents, eux aussi ne sont pas en reste et font honneur a leur peuple dans de magnifiques tenues traditionnelles, ponctuées de diadèmes en vrai-argent qui viennent leur couronner la tête. A l’entrée de la ville, un interminable tunnel de pierre recouvrant une large rue pavée se dessine devant eux et ils s’enhardissent, de peur que les festivités n’aient déjà commencées. Arrivés au bout de l’ouvrage, le sombre tunnel donne sur une lumière tellement aveuglante qu’il était devenu difficile d’avancer sans s’aider des murs. Dans les derniers mètres du tunnel, on pouvait déjà entendre la foule en délire, dans un écho résonnant et assourdissant.
Enfin, Jadus et les siens arrivèrent sur la grande place, au pied de la sainte cathédrale. Jamais Jadus n’avait encore pu de sa jeune vie assister à tel spectacle. L’atmosphère de fête, submerge tout son être alors que les gens autour de lui bousculent et crient, bouillonnant d’envie de voir leur nouvel Empereur sacré. Se tenant fortement la main et se frayant un chemin a travers la foule, les Viridia se dirigent aux tout premiers rangs, rejoignant la délégation Elfe ou siège déjà le roi Estelan et sa cour. Prenant place sur de luxueuses et confortables chaises, ils attendent l’annonce de l’arrivée de sa majesté Elson.
Au-dessus de la grande place et des premiers rangs se dressent les escaliers menant à la cathédrale. En haut de ses escaliers, de petits contingents de soldats d’élite de chaque race se dressent au garde a vous, se faisant face, traçant la voie au roi jusqu’au peuple. Parmi ces soldats d’élites, machines de guerres et champions d’exception figurent Les Forestiers. Ces guerriers sont les protecteurs de la forêt sacrée, du peuple sylvain et également le bras armé du Roi Estelan. Jadus reste bouche bée face a ses pairs en armures elfiques dorées. Ces êtres majestueux, implacables, mortels, fidèles et dévoués. Il a parfois eu l’occasion de croiser ces derniers au village, lors de cérémonie royales. Les apercevoir et les approcher étaient un privilège rare. Mais aujourd’hui, en lui se passe un déclic, il se dit qu’il veut faire parti de ces gardes exceptionnels, lui aussi veut mettre son talent, ses compétences et sa vie entre les mains de cette institution légendaire, peu importe le prix a payer. Pour lui, il ne pouvait pas y avoir plus grand honneur que de servir son peuple qu’en étant digne de porter l’armure des Forestiers. Jadus avaient passé son jeune temps à chercher sa voie parmi les siens. Son goût prononcé pour l’entraînement, le combat et le maniement des armes n’est donc plus un secret pour lui maintenant. Il fallait y arriver, aller jusqu’au bout de son rêve. Et il allait s’en donner les moyens. Myrin a tout de suite remarqué chez son fils le désir ardent d’empreinter cette voie alors qu’elle le voit, assis a côté de lui, frétillant comme un poisson sur sa chaise et transpirant d’émotions.
Soudain, les trompettes sonnent de concert dans une épique mélodie, ravivant la flamme chez les badauds après de longues heures d’attente. Le soleil laissa apparaître doucement mais sûrement une immense silhouette enrobée d’une cape épaisse sorti de l’ombre de la cathédrale… Il est la. L’Empereur, tête haute se muni d’un sourire fier et lève la main en direction du peuple et se met à marcher solennellement sur le tapis rouge déroulé pour lui, passant les soldats en revue jusqu’à se diriger sur un promontoire installé en haut des marches. La foule en délire l’acclamait sans cesse, dans un vacarme assommant telle une mer déchaînée dont les vagues viendrait se briser sur la roche. Après un long discours et la promesse d’unifier tout les peuples sous une même bannière, l’Empereur descendait les marches accompagné des saints de l’église, ou il fut finalement couronné près d’un autel, au nom du panthéon et à la gloire de tout les peuples…
Une semaine s’écoula depuis le sacre de l’Empereur Elson le Bien-Aimé, et la petite famille se retrouva de nouveau chez elle, loin du vacarme tonitruant de la grande ville, chacun se remettant de ses émotions, et s’attelant a la vie quotidienne. Dans l’atelier de son père, dont les feux sont encore tous éteints, Jadus rentre à pas feutrés, et semble admirer le travail de son paternel tout en se baladant entre les outils. D’un coin de l’œil il repéra un prototype de lame que le forgeron avait crée et laissé dans un coin, il s’avança doucement et saisit l’arme un peu lourde pour lui. Il s’essayait au tranchant du fil, et ne s’y trompait pas, le sang commençant à s’extirper de son doigt. Il sorti du bâtiment et marcha en silence, tête baissée jusqu’aux abords du village avant de descendre dans la forêt. Dans un mouvement fluide et maîtrisé, il pointe alors l’arme en direction de la forêt et chuchota :
- « A nous deux, maintenant. »