[Humaine] Chrysée Topia

[Zor]

Nom : Topia
Prénom : Chrysée
Surnom : Aucun
Parents :Insignifiants
Titre : Aucun
Sexe : Féminin
Race : Humaine
Langues parlées : Le commun, elle connaît sinon des rudiments de la plupart des langages parlés

Description physique : Chrysée est une femme au teint d'une blancheur d'albâtre d'une petite trentaine d'années. Sa grande taille et sa minceur lui donnent une silhouette filiforme dont pourrait ressortir un sentiment de fragilité si celui-ci n'était pas atténué par sa posture droite et son menton haut. Ses longs cheveux entretenus châtain foncé viennent mourir dans le creux de ses reins quand elle n'en fait pas une tresse ou un chignon. Le bandeau qui cache son regard fait ressortir les traits fins de son faciès qui n'arbore que rarement les reflets de ses humeurs et autres sentiments. Elle se déplace avec aisance et grâce dans une longue robe légère à capuche qui lui laisse bras et épaules nus mais qui dissimule la paire de spartiates finement ciselées qu'elle porte aux pieds. Elle ne se sépare jamais d'un long bâton fin et léger qui est parcouru de nombreuses runes et symboles magiques ainsi que de quelques bijoux en argent qui viennent réhausser sa peau lisse et son teint pâle.

Comportement social : Elle n'est pas particulièrement avenante et bien que son comportement puisse laisser paraître une certaine arrogance, il n'en est rien. Elle tâche de se montrer bienveillante tout en gardant une attitude détachée, en ce sens elle est parfois assez directe, voire un peu maladroite dans ses propos et son tact car elle n’est pas la personne la plus adaptée quand il s’agit d’interaction sociale. Pour autant elle ne ressent pas de gêne vis à vis de ça étant donné son absence de barrière. Elle se renferme sur elle-même quand elle se rend compte qu’elle a vexé ou froissé quelqu’un ce qui généralement se traduit par un silence.




Type de personnage : Main
Age : 30 ans
Archétype : Ethérée
Compétences :
- Combat : Aucune
- Magie : Elle a une connaissance théorique de la magie très poussée dans la plupart des domaines et une pratique expérimentée de la magie dans les domaines des chants magiques, nécromancie, pyromancie et hydromancie.
Alignement : Neutre Bon
Situation financière : Moyenne
Caractère : Chrysée a un tempérament plutôt calme et tente de garder un point de vue objectif et dépourvu d'émotions en toute circonstance, elle est réfléchie et méticuleuse. Curieuse de nature et assoiffée de connaissance, elle fait fi des étiquettes quand il s’agit d’atteindre son objectif ou de satisfaire sa curiosité.
Type d’éducation reçue : A la fois érudite et paysanne, elle vient à d’origines assez modeste au départ, mais a reçu ensuite une éducation assez poussée.
Pensée politique : Chrysée croit en la liberté et le bon sens de chacun, en ce sens, elle apprécie les idéaux d’autonomie de gestions et d’absence de hiérarchie. Ce n’est pour autant pas un sujet qui la passionne même si elle ne refusera pas de débattre là dessus si le sujet devait venir dans une conversation.
Autres : Chrysée n'a pas une acuité visuelle ordinaire, elle "perçoit" uniquement les choses vivantes et les manifestations magiques, capable d'analyser et d'étudier leur nature et fonctionnement en profondeur
Croyances : Chrysée ne fait aucune distinction entre les Dieux, elle les respecte sans autres formes de révérence. Elle croit en l'existence de puissances supérieures, sans pour autant les vénérer sous une forme particulière
Préjugés : Chrysée ne fait aucune distinction entre les races, d'une part du fait de sa perception particulière du monde, elle n'est pas forcément capable de déterminer la race de son ou ses interlocuteurs, d'autre part car elle considère les stéréotypes raciaux comme un concept dépassé. Chaque individu ne se définit pas uniquement par sa race; mais par une multitude de paramètres.

Sujet Zero

Printemps 1124, quelque part dans la tour de Cruma

La première sensation fut la douleur, sa tête bourdonnait, ses membres endoloris qui se réveillaient peu à peu pénèrent à lui obéir.
Une voix féminine bougonne lui parvint parmi la brume qui emplissait son crâne:
“Bande d’amateurs.. J’aurais dû faire le travail moi même..”
Elle gémit, tentant de se remettre sur pied pour entendre le cliquetis de fer et se rendre compte qu’elle était attachée par des chaînes. La même voix se fit plus clair et des bruits de pas se rapprochèrent d’elle:
“Ah, te voila réveillée.. Tout doux ma belle, ces brutes t’ont baladé comme un vulgaire sac de grain.. Pauvre fille..”
La personne tenta de rapprocher sa main du visage de Chrysée qu’elle repoussa maladroitement en secouant sa tête et en l’amenant vers son poitrail..
“Qu.. Ne me touchez pas ! Qu .. qui êtes vous ? Où est ce que nous sommes ?! Pourquoi je suis ferrée comme une criminelle ?
- Hmm.. Par où commencer .. (sa geolière n’insista pas dans son geste et se redressa), je suis Umilithe, une .. savante ? scien-ti-fi-que dirait on .. Et nous sommes dans mon laboratoire.. Je vais te retirer tes fers si tu promets de m’écouter et de ne pas tenter de t’échapper. Je ne te ferais aucun mal, tu es bien trop précieuse pour cela.. Mais tu dois avoir faim, ça tombe bien, le repas est bientôt prêt."
Chrysée fut d’abord décontenancée par la réponse directe d’Umilithe qui la laissa sans voix. Le silence qui s’établit alors lui permit d’entendre le bouillonnement d’une marmite dans la pièce et de sentir une légère odeur de nourriture au-delà de l’humidité pierreuse ambiante.
“Qu’est ce que vous me voulez .. ? Précieuse vous dites .. ?
- Et pas qu’un peu ! Un .. modèle unique si je puis m’exprimer ainsi ! (le ton d’Umilithe était à la fois inquiétant et exalté) Qui sait ce que nous allons découvrir ensemble sur ta nature et tes capacités !
Le cliquetis métallique d’un trousseau de clef amena Chrysée à tendre les poignets
“Vous n’allez pas me faire de mal ?”
Le mécanisme des fers s’ouvrit dans son bruit caractéristique avant de tomber à terre.
“Bien sûr que non.. Tu sais, les gens parlent et ton existence et ta singularité sont venus à mes oreilles.. (Umilithe s’éloigna, des bruits de vaisselle se firent entendre, elle dressait visiblement le couvert) Je ne pouvais pas passer à côté d’un tel .. Sujet d’étude ?
- Mais .. Je ne suis pas une bête madame, je suis sentient et intelligente tout comme vous vous savez..”
Chrysée se redressa péniblement en s’aidant du mur qu’elle avait senti dans son dos.
“Et tu seras traitée comme telle, aucune inquiétude là dessus, j’aimerais juste essayer de comprendre la nature de ta vision, sa provenance et qui sait peut être être capable de la reproduire ? Tu ne voudrais pas en savoir plus sur cela ?”
D’un air gêné Chrysée répondit timidement par l’affirmative : “Je suppose que oui ..”
- C’est parfait alors ! Cela va être palpitant tu vas voir !”
Chrysée était encore faiblarde, elle s’avança doucement alors qu’Umilithe l’invitait à venir partager son repas.
“Bon sang… Elle a l’air complètement illuminé celle ci.. Pas méchante mais … Enfin la méthode tout de même …”
Sentant l’hésitation de Chrysée, Umilithe la prit par le bras et la fit s’installer à table:
“Je ne suis pas grande cuisinière, mais au moins ça te tiendra chaud, si tu en profitais un peu pour me parler de toi hein ? d’où te vient ce don que tu as ? Tes parents l’avaient aussi ? Tu l’as depuis longtemps ou c’est apparu au fur et à mesure ? ou du jour au lendemain ? J’ai tant de questions !” (Elle pouffa de rire et d'enthousiasme)
- Et bien .. J’ai toujours eu .. cette façon de voir les choses .. et je n’ai pas connu mes parents donc je ne peux pas vraiment en savoir plus sur eux.. Donc, savoir d’où ça vient .. je n’en sais rien .. Yagmut l’ancien de ma communauté m’a appris à faire avec, voir à en tirer avantage et mes premiers rudiments de magie qui tirent un peu sur ce que les gens pourraient prendre pour du chamanisme..
“Mais qu’est ce que je fais à lui raconter tout ca.. Elle semble démente et imprévisible … et en même temps .. C’est peut être une des rares occasions que j’aurais ..”
Superbe ! Grandiose ! Continue comme ça, plus tu m’en diras, plus je pourrais cibler mes hypothèses et voir les expériences que nous aurons à faire pour avoir nos réponses.
- Expériences ?
- Ne t'inquiètes de rien, ça ne sera pas forcément plaisant je ne dis pas, mais je te promets que je prendrais bien soin de toi. Plus vite ça sera fait, et plus vite tu pourras t’en aller..
Chrysée repoussa doucement son assiette une fois le repas terminé.
“Car je suis votre .. prisonnière ?
- Hmm ce n’est pas un terme que j’apprécie mais je n’accepterai pas que tu me fausses compagnie tout de suite en tout cas.

“Nous y voila … et en même temps.. Elle dit que je pourrais m’en aller… Mais faire confiance à une hurluberlu pareille.. Bon, reprends toi, c’est une .. opportunité, et si jamais .. tu essayeras de filer par un moyen ou un autre”

“Mais .. vous savez .. il y a des gens qui m’attendent dehors, je veux dire, ils vont sûrement être inquiets, nous devrions peut être les prévenir non ?”
Son ton hésitant et peu sûr d’elle la trahissait grandement. Douée en magie peut être, mais pour ce qui est de mentir, elle n’avait jamais été d’une très grande efficacité
“Vraiment ? répondit Umilithe Qui ça ? le tavernier qui ne gagne pas un adena car tu ne bois que de l’eau toute seule dans son établissement ? Ou les animaux que tu nourris en ville ? A d’autres, ne crois pas pouvoir me berner comme ça”
“Gloups .. bon .. il fallait bien tenter la chose .. Reste quand même sur tes gardes..”


Et malgré ce mantra, malgré la folie des fois inquiétantes d’Umilithe, malgré les expériences des fois déplaisantes et invasives, Chrysée ne vécut pas une mauvaise période. Avoir de la compagnie la changeait de sa solitude habituelle même si elle pouvait avoir ses moments à elle de temps à autre. Umilithe semblait être brillante dans ce qu’elle faisait, même si elle ne saisissait pas tout ce qu’elle entreprenait. Au final, c’était une inadaptée et en ce sens, cela leur faisait quelque chose en commun. Aussi, quand la période fut finie et qu’Umilithe lui dit qu’elle pouvait reprendre le cour de sa vie “normale”, elle lui dit qu’à l'occasion, elle repassera sûrement la voir.

[Zor]

Bienvenue

Hiver 1122 Dans un cachot non loin du port de Gludin

Elle n’y voyait rien. Enfin, encore moins que d’habitude…. A peine était elle descendue du navire que deux gardes l’avaient empoignés pour la mettre de côté et l'emmenaient dans ce qu’elle pensait être une caserne. On l’avait dépossédé de tout ce qu’elle portait et mis aux fers, puis on lui avait dit d’attendre. Elle avait préféré ne pas se rebeller car elle n’avait rien à se reprocher. Qu’en était il des autres ?


Alors qu’elle perdait les fils du temps, la porte s’ouvrit une fois de plus de façon grinçante, Elle ne pouvait que voir la lueur faiblarde de l’individu massif qui entrait face à elle, pour s’asseoir à une table. Malgré tout cela, cela faisait du bien d’avoir un repère visuel autre que son propre corps. Le bruit de l’encrier, le bruissement des feuilles que l’on tourne et que l’on parcourt des doigts. Elle se redressa de sa position allongée juste pour s’installer dos au mur.


“Bien, nous allons reprendre depuis le début, même si cela ne vous convient pas. Comment vous appelez vous madame ?”
Elle répondit d’une voix fatiguée et monocorde:
“Chrysée Topia, C H R Y S E E T O P I A
- Et vous êtes ?
- Une magicienne, chez moi on m’appelle, la fille des esprits du Corbeau et du Hibou
- Et c’est où, chez vous ?”
Elle prit le temps quelques secondes pour repenser à ses voyages ainsi que ses “chez elle” ou plutôt ce qu’il devait en rester aujourd’hui.
“J’ai eu bien des demeures mais dernièrement dans la région du champ des murmures, à quelques heures de marches de plus ou de moins selon l’endroit et la saison.
- Et que venez-vous faire à Gludin ?
- Je fuis les Plaies, comme beaucoup de gens en ce moment, je suis censée rejoindre Dinfus dans la région de Fellmere, des gens de ma communauté l’ont contacté.
- De votre communauté oui, vous aviez déjà dit ça la dernière fois. (l’ongle de son index tapota la table, un tic qu’elle avait repérée mais dont elle ne saisissait pas encore la signification) Et qu’est ce que c’est ?
- Nous sommes des adeptes de la nature, nous cherchons à vivre en harmonie avec elle et à la sauvegarder tout en apprenant ses mystères et sa magie.
- Et où sont ces gens, maintenant ?”
Elle chercha à déglutir malgré la sécheresse de sa gorge et baissa la tête pour cacher son expression faciale. Elle lui répondit d’une voix chevrotante:
“Ils sont morts ou disparus pour la plupart…”
Une page se tourna, il n’avait rien écrit de plus sur son document.
“Vous sauriez m’expliquer la raison pour laquelle vous avez toutes ces choses ? Les pierres semi précieuses, les différentes herbes, les tenues ?”
Elle tenta de calmer le vacillement de sa voix.
“Les pierres se sont les rares biens de valeurs de ce qu’ils nous restaient, les herbes se sont (elle hésita) des médicaments ou des outils.. Les tenues sont celles traditionnelles de ma commun..
- ..Nauté j’ai bien compris (une fois de plus, l’ongle sur la table). Des outils vous dites ? Des poisons par exemple ? Et vous parlez de tenue traditionnelle ? qui porte une robe aussi macabre, sinon une nécromante ?!”
Le silence se fit après ce haussement de ton soudain. Elle ne répondit que quelques secondes après:
“Je ne suis pas une nécromante au sens où vous pouvez l’entendre, je ne veux pas du mal aux gens, et si certaines herbes ont pu être confondu avec des poisons c’est avant tout car elles peuvent être bénéfiques ou néfastes selon la quantité administrée”
Il se redressa de toute sa hauteur, puis marcha quelques pas dans la petite pièce:
“Et donc vous saurez aussi m’expliquer pourquoi des passagers qui étaient sur le même navire que vous vous accusent d’avoir invoqué la créature aquatique qui a pris d’assaut l’embarcation je suppose ?”
Elle soupira de lassitude et de désespoir, recroquevillant ses jambes sur elle
“Je n’ai pas le pouvoir d'invoquer ou d'appeler de telle créature, j’ai même aidé à la combattre, les seuls autres sorts que certains passagers ont pu me voir lancer étaient des sorts d'eau afin d'influencer le courant pour que nous allions plus vite”
Nouveau silence, les bottes de l’individu raclèrent le sol pierreux de la cellule pour finir par un claquement entre elles.
“Vous savez, Chrysée, ici nous n’aimons ni les nécromants, ni les espions, d’où qu’ils viennent…
- Je ne suis ni l’une ni l’autre, je ne demande que l’asile pour empêcher ce qui est arrivé chez moi d’arriver ici. Je suis ic….”
Il se rua sur elle en lui hurlant au visage et en faisant des gestes menaçants:
“Et vous êtes quoi au juste ?! Hein?! Quel genre de monstres êtes-vous ?! Pourquoi vos yeux sont comme ça ?!”
Elle se mit instinctivement en boule et sanglota alors qu’il se reculait et reprenait sa posture toute martiale:
“Alors, Chrysée, qu’êtes vous ? Exactement ?”
Elle stoppa ses sanglots avant de parler d’une voix qui se voulait calme mais qui tarda à arriver
“Je suis née comme ça, je ne vois pas comme vous .. Je vois .. La magie, la vie, les esprits, les énergies, appelez tout cela comme vous le souhaitez.”
L’individu retourna à sa table pour reprendre ses affaires, calmement et de façon disciplinée.
“Sachez, Chrysée, que ce monsieur.. Dinfus s’est présenté aujourd’hui ici, venant demander si par hasard nous n’avions pas vu quelqu’un correspondant à votre signalement qui serait arrivé précisément sur le bateau que vous aviez emprunté. Nous l’avons interrogé. Votre histoire tient donc debout, et vous allez être libérée, Toutefois. Nous vous aurons à l’oeil, si j’ose dire, si jamais nous demandons de l’aide à l’initiative populaire, sachez que nous vous en tiendrons informés.”
Deux autres personnes entrèrent pour lui ôter ses fers et lui rapporter un bol d’eau, l’homme massif se tenait à ce qu’elle devina être le pas de la porte, il s’adressa une dernière fois à elle sur un ton neutre et détaché qui ne laissait transparaître qu’une rigueur professionnelle :
“Soyez la Bienvenue à Gludin, madame Topia, fille des esprits du Corbeau et du Hibou. Appréciez votre séjour chez nous.”

[Zor]

Fille du Corbeau

Année 1113, quelquepart dans les Royaumes du Nord

Elle traversa les différents pans de tissu destinés à conserver la chaleur de la chaumière du vieillard, sur chacun de ceux-ci, elle pouvait distinguer les différents glyphes magiques qui devaient servir de protection et d’avertissement à celui qui les avaient mis en place. Quand elle eut passée le dernier rempart de fibres naturelles, elle fut envahie par la douce chaleur de la petite pièce spartiate sur laquelle il donnait. Le feu de l’âtre était en train de faiblir et elle put apercevoir le petit serviteur mort vivant du vieil homme qui s’affairait à remettre du bois. Cette petite créature qui était aujourd’hui animée par un simulacre de vie avait dû être un gremlin, elle servait son maître depuis aussi longtemps qu’elle l’avait rencontré pour la première fois. Le grand sage était alité et couvert de plusieurs couches de couverture, on pouvait deviner, sous ces dernières le corps d’un homme de haute taille. Seul le haut de son enveloppe corporel était exempt de ces protections laineuses et elles laissaient alors apparaître le visage creusé d’un homme émacié, fatigué par le vie, au teint blême maladif. Chrysée quant à elle, ne pouvait qu’apercevoir la faiblesse de l’étincelle de vie qui était encore rattachée au corps du vieil homme. Elle voyait la finesse des filaments qui tenaient encore l’esprit flamboyant emprisonné dans la chair et savait que les jours, voire les heures du vieux sage étaient comptés. D’un geste infime, il lui intima de s’approcher de lui, la saluant dans un murmure par le titre dont il l’avait honoré lors de leur première rencontre: Fille du Corbeau. Cela aurait pu paraître macabre pour la plupart des habitants d’autres régions mais dans cette communauté c’était une dénomination commune pour les individus ayant une affinité particulière avec la magie des esprits et également avec la mort au sens large. Le gremlin squelettique, une fois sa tâche finie, revint se placer aux côtés de son maître, se recroquevillant dans un cliquetis d’os caractéristique.
Ils n’échangèrent au départ qu’un silence, pendant ce temps Chrysée songea à tout ce que lui avait enseigné le shamane ténébreux en fin de vie: la magie sombre, ou nécromancie comme peuvent l’appeler les gens ordinaires, n’est pas mauvaise en soit, c’est ce que l’on en fait qui peut être malveillant, tout comme une arme ou un soldat de garnison. A cette pensée, elle tourna son regard vers le squelette qui semblait attendre une nouvelle requête de son créateur pour sortir de sa torpeur. L’ancien lui expliqua alors ce qu’elle avait déjà perçu par la faiblesse de son aura de vie. Il était à la fin de son existence, et il appartenait désormais à un autre enfant du corbeau de prendre sa place, afin d’assurer le passage des esprits dans l’autre monde, à commencer par la sienne. De sa main frêle il lui désigna une blague à tabac, le petit serviteur se redressa doucement pour la prendre et la poser dans les mains de Chrysée. À l’ouverture, l’odeur forte et âcre lui fit retrousser le nez, il lui expliqua alors que ce mélange d’herbe pouvait être brûlé et inhalé afin de faciliter la projection astrale et permettait en quelques sortes, d’atteindre un seuil proche de la mort physique, tout cela aidant à accompagner l’esprit du mort vers sa destination finale. A terme, et avec de l’entrainement, elle finirait par pouvoir se passer de cela pour extraire son esprit de son corps. La main froide à la peau presque translucide du condamné se posa sur celle juvénile de Chrysée dans un geste bienveillant. Elle sentit le souffle de son mentor s’apaiser, puis il la congédia, lui sommant de suivre ses instructions pour se préparer à l’ascension céleste de l’esprit de son instructeur.

Deux jours plus tard, le grand sage s’était éteint, ses derniers enseignements furent dûment respectés par les différents membres de la communauté. Le corps fût installé sur un tas de bois afin de pouvoir procéder à la crémation. Parallèlement à cela, une simple tente de toile avait été érigée non loin, destinée uniquement à l’évènement. Chrysée entra dans cette dernière et son esprit fut instantanément assailli par la fumée omniprésente: le mélange que lui avait offert son mentor finissait de se consumer et commençait déjà à la transporter au-delà des frontières du monde matériel. Avant de sortir complètement mais temporairement de son enveloppe corporelle, elle s’allongea posément sur le sol et se concentra sur sa respiration et sur la tâche à venir.
L’ensemble de son capital musculaire se détendit au fur et à mesure que son rythme respiratoire ralentissait, suivi de près par les battements de son cœur. Cela dura deux bonnes minutes, alors que la fumée s’estompait peu à peu au sein de la tente de méditation. Puis vint le point de rupture, dans un sursaut dû à son instinct de survie, son corps se tendit, redressant ses membres ainsi que son thorax. Dans une sorte de flash son esprit embrumé fut pris d’une vivacité nouvelle, une sensation de légèreté l’envahit tandis qu’elle voyait, à travers ses yeux désormais immatériels, son propre corps allongé au sol. Entre ce dernier et son enveloppe éthérée s’étaient créés des filaments lumineux qu’elle identifia comme le lien reliant son corps et son esprit. Ce lien viendrait à être brisé, son esprit errait probablement dans le plan astrale, incapable de retrouver son hôte qui deviendrait alors juste une coquille vide. Les sons qu’elle pouvait avoir entendu il y a encore quelques minutes n’étaient plus que des bruits sourds et des paroles inintelligibles. Désormais libre de toute contrainte physique, elle s’éleva dans l’espace voyant ainsi apparaître les autres membres de sa communautée réunit autour de l’hypothétique bûcher funéraire, au milieu de ce cercle trônait l’esprit du vieux sage qu’elle avait encore pu observer de son vivant il y a encore quelques jours. Elle s’en approcha et parvint à communiquer avec lui sans pour autant émettre le moindre son mais plutôt par une sorte de transmission de pensée. Il lui sembla paisible, et enclin à la suivre afin de quitter définitivement ce plan pour se diriger dans les limbes célestes. Ils s’envolèrent alors à l’unisson, elle perdit la notion de temps et d’espace, le lien entre son corps et son esprit semblait s’étirer de plus en plus sans pour autant perdre en intensité. Ils s’arrêtèrent finalement au milieu du vide de l’espace et après un instant, une déchirure lumineuse fit son apparition aux côtés de son compagnon de voyage. Non sans un dernier adieu et un pincement au cœur, elle laissa l’étincelle spirituelle qui fut pendant un temps son maître et sa principale compagnie franchir le pas et être aspirée vers son plan de destination finale. Elle se tint là un moment, ayant perdu toute notion de temps et d’espace, puis finit par remonter le cordage éthéré brillant qui la raccrochait à son corps. Une fois encore elle fut incapable de se faire une idée du temps pris et de la distance parcourrue pour revenir au sein de son enveloppe physique. Quand elle reprit conscience de sa lourdeur corporelle, elle entendit de façon indistincte le bruit des craquements du bois en train de se consumer et les murmures de ses compagnons. Ses muscles étaient engourdis comme un animal qui, ayant hiberné, se relevait pour un nouveau printemps. Quand elle eut finalement la force de sortir de la tente et de rejoindre ses congénères, on lui apprit qu’elle était entrée dans cette dernière il y a environ une heure. Bien qu’elle n'ait pas d’idée précise du déroulement du temps pendant cette expérience extra corporelle, il lui semblait être sorti de son corps pendant bien plus longtemps que cela. Elle s’interrogea un instant sur ce fait, puis y trouva une certaine logique: la vivacité de l’esprit exempt de tout frein physique permettait probablement d’approcher une vitesse bien supérieure à la normale. On pourrait donc y percevoir le temps comme s’écoulant bien plus lentement que dans le plan matériel, selon les barrières mentales de chacun. Elle leva son regard vers la voûte nocturne, avant de partir rejoindre sa couche, cette expérience inédite avait prélevé plus d’énergie qu’elle ne l’avait pensé originellement.
Quelques jours plus tard, lui parvint une missive, une communautée du même type que celle qui l’eut hébergée pendant ces nombreuses années requérait désormais sa présence, d’après le vélin, ils se faisaient appeler les enfants de la salamandre et s’étaient installés pour un temps non loin du marais flamboyant. Une fois ses quelques effets rassemblés, elle prit le temps de remercier et de faire ses adieux à ceux qu’elle avait côtoyés, elle se vit offrir quelques vivres et richesses afin de pouvoir voyager de façon plus confortable. Parmi les biens qui lui furent offerts, elle ne manqua pas de remarquer le sac d’osselets de son ancien enseignant, ces derniers étaient marqués de runes dont elle put reconnaître la signature. Dans un ultime salut elle balaya du regard la paisible communautée qui s’affairait à ses besognes quotidiennes. Elle se sentit n’être qu’un poussière éphémère faisant partie d’un grand tout dont elle avait encore à découvrir ses multiples aspects.

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[Zor]

Fuite vers un nouvel Horizon

Année 1122, quelque part dans la région du champ des murmures

“On y va Corbeau, maintenant..
- Deux minutes raton.
- J’ai dit maintenant, ils arrivent… “
Le ton pressant du jeune homme encapuchonné ainsi que le tapotement de son pied contre le sol laissaient transparaître sa nervosité.
“J’y suis presque, tu me déconcentres …”
Elle glissa ses doigts fins et adroits, tâchant de finir sa rune magique contre le bâti de la porte de leur cabane de fortune au milieu du marais tout en se murmurant à elle-même le protocole qu’elle avait répété la moitié de sa journée.
“Tu replies le filament magique, le noue et signe ta marque, précis et sans faille…”
Elle se redressa de toute sa hauteur une fois son opération terminée:
“C’est fini, dit-elle à Raton qui vérifiait la présence d’une de ses dagues à sa ceinture, comme un gage de sa survie pour les prochaines heures.
- On décampe, Ours et Faucon nous attendent déjà dans la charrette”
Ils s’éloignèrent de la petite demeure de fortune qu’ils avaient érigés de cela il y a quelques mois, quand la région était encore sauf et pour ainsi dire non hostile. Au loin, des yeux aiguisés pouvaient voir d’un côté la cité d’Heine et de l’autre un nuage de brouillard laissant deviner de rapides mouvements de troupe. Des tambours et cor annonçaient une charge imminente alors que Raton grimpait en premier dans l’arrière de la charrette, il proposa aussitôt sa main à Corbeau pour qu’elle y prenne place également. À leur côté se tenait Faucon, un grand elfe, arc à la main, la flèche encochée et le regard tourné vers le brouillard; à sa droite un tonneau était bondé de munitions pour son arme favorite. Raton s’adressa à Ours, un nain hirsute à l’avant de l’attelage:
“On peut y aller ! Des nouvelles des autres ?” demanda t il à la ronde. Faucon lui répondit sans quitter le nuage hostile de sa vision quasi parfaite
“Lombric, Taupe et Porc sont déjà en ville, normalement ils s'arrangent pour nous trouver une place dans un des bateaux en partance pour les royaumes de l’Ouest, Marmotte est allée faire envoyer un message à notre contact là bas. (il marqua une pause, puis reprit d’un ton plus soucieux) Tigre ou Écureuil sont partis observer le nombre et la composition de la légion, pour le rapporter au commandement en ville…”
Le silence de la compagnie en dit suffisamment long pour saisir qu’ils partageaient tous ce sentiment d’inquiétude, puis l’attelage démarra laissant place à un bruit mêlant roue de charrette et d'eau en mouvement. Corbeau se concentra et fit en sorte que le liquide s’écarte de leur route pour faciliter la traversée du marais.
“Ils seront sur nous avant qu’on arrive en ville, annonça Faucon.
- Je fais ce que je peux, ces vieilles carnes ont jamais été des étalons de premier ordre j’te signale” beugla Ours en faisant claquer les lanières de cuir.
Effectivement, les troupes se rapprochaient plus rapidement que prévu:
“Ils seront à la cabane dans deux minutes je pense, Faucon serrait nerveusement la poignée de son arc.
- Alors ils vont avoir une petite surprise” leur répondit Corbeau, toujours la tête baissée pour se concentrer et maintenir son incantation de manipulation d’eau.
Le temps sembla s’étirer alors que l’attente se faisait de plus en plus longue pour les compagnons. Ils virent la troupe déferler aux abords de la petite cahute et quand le premier combattant tenta de fracasser la porte pour bonne mesure alors le piège magique installé se déclencha. Il y eut un flash d’une lumière bleuté puis une suite d’explosions sourdes accompagnées d’halos aveuglants. Quand l’intensité des éclats retomba, les compagnons purent voir que les troupes de la légion, tout autour de leur ancien repaire, étaient complètement figées, entourées d’une épaisse couche de glace qui commençait lentement à se consumer sous le feu ardent des créatures. Faucon se contenta de sourire alors que Raton, plus extraverti, poussa un cri de joie. Ours, pour sa part, grogna de ne pas avoir pu assister à l’évènement.
Mais les réjouissances furent de courte durée: malgré l’efficacité du piège tendu, cela n’avait pas globalement stoppé la charge de la légion ardente, avançant en rang serré désormais. Ours fut sommé une fois de plus par Faucon de mener les montures de l'attelage au pic de leur performance, lui-même se mit à montrer ses talents d’archers et abattre les créatures qui arrivaient de plus en plus nombreuses à sa portée de tir.
La charrette s’approchant progressivement de la ville d’Heine, la route se fit soudain plus praticable et Corbeau put cesser de maintenir sa concentration sur son sort de manipulation d’eau pour se focaliser sur les combattants qui poursuivaient le véhicule. Elle ne pouvait distinguer grand chose parmi ce maelstrom de vie et d’émanation magique divine qu’était la légion ardente à leur trousse, elle fit donc le choix de piocher de sa bourse un petit osselet orné d’un glyphe magique, dans une chuchotement elle énonça le mot de pouvoir qui activa ce dernier tout en jetant le petit objet hors du véhicule. A peine eut il touché le sol qu’un mur de glace d’une épaisseur conséquente apparut de nul part, une partie de la charge n’eut pas le temps de réagir et se fracassa net dessus, écrabouillé et piétiné ensuite par leurs congénères en rage.
Par delà le vacarme, Ours hurla l’information qu’ils allaient passer les portes de la ville, l’attelage, déjà vieillissant à la base, cracha ses dernières ressources pour s’introduire dans la bourgade. Ce fut alors que les portes se refermaient derrière eux qu’une des roues du transport explosa dans un ultime effort , projetant les compagnons en dehors. Corbeau, de part sa vision parcellaire, put, encore moins que les autres, anticiper sa chute. Elle sentit le monde basculer puis un violent choc à la tête la fit passer dans les méandres de l’inconscience…

“Papa ! Elle bouge elle bouge !”
Un nain s’approcha de la couche ou était alitée
Chrysée, son fils s’écarta pour lui laisser la place.
“Tout doux la perche, t’as encore la tête gonflée comme un furoncle trop mûr..”
D’un geste doux mais ferme, il l’invita à rester en position horizontale, elle put sentir le léger tangage et devina qu’elle se trouvait au bord d’un bateau.
“J’te la fais courte histoire qu’tu puisses t’rendormir rapid’ment… T’es dans un rafiot en partance pour les royaumes de l’Ouest, y’en a encore pour un moment avant qu’on arrive là bas… Tes compagnons m’ont lâché un peu d’adenas histoire que j’prenne soin d’toi l’temps qu’tu t’rétablisses. Ils ont laissé pas mal d’affaires, y parait qu’c’est les tiennes… J’sais pas j’ai pas fouillé. Ils m’ont dit qu’ils avaient eu qu’une place pour le voyage, alors ils ont décidé qu’ce s’rait toi. Eux, ils m’ont dit qu’ils essayeraient d’défendre la ville autant qu’ils pourraient… S’tu veux mon avis, ils ont surtout signé pour un baroud d’honneur tes copains… V’là l’topo ma grande, maint’nant, honore l’courage et l’sacrifice de peu importe comment tu les appelles et r’pose toi…”
Chrysée accusa le coup, encore trop sonnée à la fois par les nouvelles qui venaient de lui être annoncées et par le choc physique qui avait eu lieu il y a quelques heures.
Tous ses compagnons… Ses frères de quelques temps au moins … condamnés… Elle se remit sur le côté et se laissa bercer par les mouvements réguliers du navire afin de fuir ses pensées lugubres.

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Sub Spellsinger

[Zor]

Fille de la Salamandre

Année 1116 quelque part non loin du Marais Flamboyant quelques jours avant le printemps

La jeune fille devenue jeune femme s'exercait méthodiquement devant le feu auprès duquel elle s'était agenouillée. Ses mains et ses doigts se tendaient dans un enchaînement de positions précises alors qu'elle façonnait du mieux qu'elle pouvait le flux de magie de feu. Les flammes se laissaient manipuler sous les impulsions de la magicienne aux yeux bandés, prenant tantôt la forme d'animaux, de personnes et d'autres effets pyrotechniques divers.
Derrière elle, elle entendait les enfants de la communauté qui l'avait accueillie quelques années plus tôt en train de rire et de chahuter. Cela lui permettait de corser encore plus le défi qu'elle avait accepté de relever. Être perturbée par son environnement ne faisait que l'habituer à incanter dans des conditions non optimales… Des bruits de pas légers se rapprochèrent avant l'impact du corps d'une petite fille dans son dos qui lui coupa le souffle un court instant, faisant s'éparpiller le flux dans l'air :
"Chrysééée ! (la gamine avait passé les deux bras autour de son cou, lui écrasant au passage la gorge, elle la serrait à présent fort dans un élan affectif plein d'excitation) Tu viens jouer avec nous ?!"
Elle fit relâcher la prise de la petite en lui écartant les mains et l'invita à venir sur ses genoux tout en lui répondant :
"Tu sais bien que je dois continuer mes leçons Aube. Mais si tu veux tu peux rester un peu avec moi…
- Hmm d'accord ! (elle prit les mains de la jeune femme et leur fit faire des gestes dans une chorégraphie grossières) Dis ? C'est vrai que tu as aidé maman quand grand-mère Étincelle a dû traverser la rivière de feu ?
- C’est le cas oui, c’est même elle qui a décidé de m’appeler pour que je l’aide dans cette tâche. Tu n’étais encore qu’une toute petite fille et elle te portait encore contre elle quand nous avons fait cela.”

La traversée de la rivière de feu, c’était le nom de la cérémonie pour amener l’esprit d’un membre de la communauté de la Salamandre vers sa dernière demeure, la voûte céleste, là où l’esprit de l'individu continuerait à briller jusqu’à ce qu’il soit appelé à nouveau dans une autre enveloppe corporel, du moins c’est ce en quoi ils croyaient, et c’était bien le plus important. Ils préparaient le corps selon un rite sacré ancestral, puis une fois celui-ci prêt, ils le plongeaient dans la lave après une soirée de danse et de chant en l’honneur du défunt. Chrysée avait été chargé une fois de plus de vivre une expérience extra corporelle pour amener l’esprit de grand-mère Étincelle à bon port. Puis, alors qu’elle aurait très bien pu reprendre son chemin, elle a décidé de rester avec eux pour en apprendre plus sur leur culture, leur quotidien et leur façon de vivre, mais également sur la pyromancie.
Son apprentissage dura quelques années et elle faisait maintenant partie de cette grande famille, à tel point que le conseil des anciens avait proposé à la fille du corbeau d’être chargée du spectacle pour la fête du renouveau de la flamme qui allait avoir lieu comme chaque année, à l’équinoxe de printemps. Cela célébrait le retour des esprits des astres pour insuffler la pensée aux nouveaux enfants de la Salamandre qui naîtraient durant l’année suivante. Chrysée accepta bien entendu, voyant cela comme un honneur, un signe d'acceptation complète de sa présence de leur part, mais également comme une épreuve visant à tester son aisance dans le maniement de la pyromancie.

“Maman m’a aussi dit que si j’étais sage, cette année j’aurais le droit de veiller pour voir les chasseurs sauter au-dessus du brasier et les acrobates jongler avec le feu après l’ouverture de la fête du renouveau !”
A ces mots, une voix féminine autoritaire interpella l’enfant :
“Aube, être sage cela comprend aussi ne pas interrompre la personne qui se prépare pour faire l’ouverture de ce dernier. Laisse la travailler tranquille je te prie.
- Elle ne m’embêtait pas et nous avions fini de toute façon” répondit Chrysée en reprenant l'usage de ses mains avant de lever la petite demoiselle.
Cette dernière fila retrouver ses camarades non sans un regard espiègle à sa mère.
“Je suis sérieuse Chrysée, ne les laisse pas non prendre tout ton temps, tu sais qu’on ne fait pas souvent dans une vie ce que tu t’apprêtes à faire, une occasion rare de prouver ta ferveur aux anciens esprits, ne bacle pas cette chance.”
Le ton était un peu moins autoritaire et pétri de bienveillance. Chrysée hocha la tête en retour, non sans esquisser un de ses rares sourires.
“Je ferais attention, et ne t’inquiètes pas, j’ai bien en tête les enjeux qui sont présents. Je ne les décevrai pas, tu peux compter sur moi.”
A peine ces mots furent dit qu’elle reprit une position plus confortable pour se concentrer à nouveau sur ses incantations.

Quelques jours plus tard la fête eut lieu et elle donna le meilleur d'elle-même pour appeler les esprits des anciens à refouler les terres sous les formes de leurs descendants. Les enfants s'esclaffèrent et les anciens approuvèrent. Toutes les créatures dotées de vision dans la région avait pu apercevoir au loin les flammes danser jusqu’aux cieux puis éclater en de multiples formes en appel aux astres étincelants. Le festival pu ensuite battre son plein jusqu'au crépuscule suivant. Les danseurs, les jongleurs, les musiciens, les chasseurs, les conteurs se succédèrent autour du feu sacré pour célébrer l’évènement et se rappeler de leurs Aïeux.

C’est quelques jours après qu’elle prit la décision de continuer son périple à travers le monde, elle avait eu vent d’une autre communauté nommée les Enfants de la Vague et devrait traverser une grande partie du pays pour se rendre dans la région de Heine tout au Sud pour tenter de les rejoindre. Comme la tradition le voulait, elle pouvait garder la robe de cérémonie confectionnée spécialement pour elle lors de la fête et la porter en hommage chaque jour de printemps où elle foulerait encore le monde. Chacun offrit un au revoir chaleureux en demi-teinte, content de la voir continuer son périple et triste de voir un des leurs quitter leur quotidien. La fille du Corbeau était devenue également une fille de la Salamandre…

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Sub Sorcerer

[Zor]

Année 1118, quelque part dans un cachot d’un des postes de gardes de la cité d’Aden

“Chut chut, elle se réveille j’te dis, r’garde elle bouge..”

Effectivement, la jeune femme aux yeux bandés se redressait doucement, une main portée à son crâne encore douloureux. Ses deux comparses de cellules la regardèrent faire à l’unisson. L’un était un nain hirsute, à l’odeur forte, aussi haut que large. Des tatouages fatigués cotoyaient sur sa peau autant de cicatrices, son nez ressemblait plus à une fraise qu’on avait écrasé sous une botte qu’à autre chose, son sourire laissait apercevoir ce qui tenait plus d’un mâchicoulis de château fort que d’une dentition n’ayant pas subi le passé de bagarreur de son porteur. L’autre était un elfe encore plus filiforme qu’elle, sa maigreur n’avait d’égale que sa souplesse et rien que sa façon de se tenir sur la paillasse le faisait comprendre. Il avait l’air jeune, mais difficile de donner un âge à un membre de la race elfique, la seule chose qui venait briser la perfection de ce visage de jeune premier était un strabisme certain mais pas dénué d’un certain charme.
De toute cela, Chrysée n’en voyait rien, elle ne percevait que les deux silhouettes des individus face à elle, qu’elle devinait assis sur le sol ou un vulgaire tas de paille pourri destiné à servir de literie. Elle entendait aussi les bruits de l’extérieur, chariot, bruit de pas, surement un soupirail pour que les prisonniers ne finissent pas étouffés

“Salut l’aveugle ! dit d’une voix rocailleuse le nain. Alors, toi aussi y t’ont coffré cette nuit ? Sale temps pour les gens d’la rue hein.. Tu nous expliques ce que tu fais là ? Avec ta dégaine chétive, t’as sûrement pas dû leur donner beaucoup de résistances..”
Chrysée secoue la tête, ôta sa main de son visage non sans replacer son bandeau, puis prit sa posture droite habituelle.
“Techniquement je crois que j’ai la primeur de la question.. J’étais là avant que vous arriviez non ?”
Les deux acolytes se regardèrent surpris, l’un des deux fit un geste à l’autre, se désignant lui-même puis son compagnon d’infortune.
“Oui oui, je vous distingue tous les deux, ne faisons pas de manières voulez vous, nous en avons pour un moment je suppose à être ici, alors autant ne pas jouer les cachotiers si j’ose dire. La vérité finira bien par éclater à un moment ou un autre.”
Il y eut un silence, Chrysée se doutait que le duo s’interrogeait du regard.
“Bon, on t’explique alors la donzelle… Lombric J’te laisse faire ?(C’était encore la voix de baryton du nain)
- Y s’trouve qu’on fait partie d’une bande de .. Saltimbanque comme on dit, Ours et moi on a été dépensé notre bourse durement gagnée dans les tavernes du bas quartier de la ville. Y s’trouve aussi qu’un gaillard a voulu tester Ours au concours d’alcool…
- Bien malgré moi bien sûr !
- …Et qu’il a mal pris d’avoir perdu, j’ai malheureusement pas eu le temps de redistribuer les gains des paris qui avaient été pris…
- La garde nous a alpagué avant qu’on ait eu le temps d’dire ouf, et comme on est des honnêtes citoyens…
- On s’est bien sûr laissé faire…
- Et nous v’là ici .. Mais j’pense bien qu’les copains sont déjà en train d’nous chercher..
- Alors, maintenant… (Lombric se redressa souplement, sortant de sa position bizarroïde, son regard oblique pétillant de curiosité) Tu nous racontes ton histoire ?”

Chrysée laissa un instant le silence s’installer, de la rue on pouvait percevoir des éclats de voix et des mouvements de foule, quelque chose d’anormal était en train de se produire.

“Disons que j’ai eu des échanges orales un peu houleux au sujet de la politique en place et mes propos ont dû venir aux oreilles de la garde locale..
- Avec ta dégaine de sorcière déchue et ta face de nordiste, ils ont pas dû chercher bien loin ouais.. (C’était Ours qui était intervenu)
- Bien que je n’ai rien énoncé de particulièrement belliqueux en soit.. Je pense que les tensions qui sont présentes en ce moment sont la véritable raison pour laquelle je me retrouve ici avec vous aujourd’hui.. Pour le reste .. j’étudie la magie, car c’est à peu près la seule chose que je vois. Je cherche à aller vers le Sud pour y retrouver des gens que j’aimerais rencontrer, j’ai passé suffisamment de temps ici et j’ai besoin de voyager à nouveau.”

De nouveau, le silence dans la cellule s’installa, Lombric s’approcha du soupirail grossier, attiré par le bruit à l’extérieur.

“T’en penses quoi Lombric ?
- A toi de me le dire.. Tu as plus de poids que moi de toute façon sur la décision.”
Ours grogna :
“T’sais comme moi qu’c’est faux, après tu peux faire l’choix d’te ranger à mon avis comme tu viens d’faire. (il tourna son regard vers Chrysée) Ca t’dit d’faire un bout d’chemin avec nous ? On comptait pas rester non plus d’toute façon…
- Et bien .. Je ne serais pas contre avoir de la compagnie pendant le voyage ..
- On en parlera avec les autres dès qu’on sera sorti de là, il va te falloir un petit nom aussi, quitte à ce que tu nous suives, autant faire en sorte que tu fasses partie de notre troupe.
- Votre .. troupe ?
- Ouais, on est ..
- Les Animaux Fantastiques !” s’exclamèrent les deux complices.

Le silence, une fois de plus.

“Oh Bordel ! A terre couchez vous !” C”était Lombric qui avait donné l’alerte

Un bruit de collision de pierre contre pierre et fer, une vibration intense et soudaine de son corps, s’en suivit une douleur sourde d’un objet contondant la heurtant dans le dos. Elle n’avait rien vu venir, rien de magique n’était à l'œuvre ici..

“C’était pas les copains ça ! dit Ours dans un grognement en se relevant
- Nan, c’est notre jour de chance on dirait ! “
Ils aidèrent Chrysée à se relever, elle n’avait pris que quelques débris du contour du soupirail qui venait de sauter sous l’assaut d’une pierre qui avait ensuite fracassé la porte de la cellule, l’isolant du reste du complexe. Au dehors, des cris de panique et des ordres militaires se faisaient entendre.
“C’est ouvert ? demanda t’elle
- Et pas qu’un peu.. Allez on y va, on retrouve les autres, et on se tire d’ici le plus vite possible..”
Lombric passa en premier, Ours déblaya le passage pour faire passer ce qu’il appelait lui-même “sa grosse carcasse”. Ils tendirent ensuite leur bras pour aider la jeune femme aux yeux bandés à sortir dans la rue, elle prit ces deniers et s’extirpa de ce qui resté de leur geole avant de se redresser droite malgré la douleur.
“Appelez moi Corbeau…”